DSIH – Les 8èmes Journées du SIB sous le signe de l’éthique
Les 30 et 31 mars 2017 se sont tenues au Palais des congrès de La Baule les 8es Journées des adhérents du groupement d’intérêt public SIB. Fil rouge de ces rencontres : la place de l’éthique dans l’e-santé. Morceaux choisis.
En accompagnant ses adhérents dans la mise en place de services numériques, et notamment les solutions logicielles médicales et décisionnelles qu’il édite, le SIB n’en oublie pas moins la place de la réflexion sur l’évolution de notre système de santé. L’édition 2017 des Journées des adhérents du SIB proposait ainsi des temps de partage sur les expérimentations et pratiques des adhérents ainsi que des présentations des solutions du SIB pour répondre, entre autres, aux problématiques des groupements hospitaliers de territoire (GHT).
Placées sous le signe de l’éthique, ces rencontres étaient également porteuses de débats, avec trois plénières denses, le tout agrémenté de pauses conviviales permettant de poursuivre les discussions, mais aussi d’un dîner de gala très apprécié. La recette a pris. « Ces 8es Journées ont rencontré un réel succès, avec plus de 300 participants, une centaine d’établissements de santé représentés et 25 partenaires » , se félicite Olivier Morice-Morand, directeur général du SIB.
L’éthique et les puces
Pourquoi placer l’éthique au cœur de ces débats ? Au moment où les établissements de santé glissent de l’ère informatique à l’ère numérique, l’éthique devient un enjeu majeur. Les données de santé recueillies, traitées, stockées pour une médecine plus préventive, voire prédictive, la recherche ou le suivi de l’activité médico-économique des établissements sont l’affaire de tous, patients, professionnels de santé, responsables d’établissements et industriels. Première structure publique agréée hébergeur de données de santé à caractère personnel, le SIB a lui-même inscrit la valeur éthique dans son projet d’entreprise. Ce n’est donc pas un hasard si la place de l’éthique dans le numérique au service de la santé a donné lieu à la plénière d’ouverture, présidée par le grand témoin de ces journées, Yves Charpak, « expérimentateur excessif des outils existants», soit un parfait connaisseur des usages, et… de leurs limites et dérives, quand ils ne sont pas encadrés. À ses côtés se trouvaient Jérôme Béranger, directeur scientifique d’Adel (Algorithm Data Ethics Label), Hubert Stéphan, président du Ciss (Collectif inter-associatif sur la santé) Bretagne, ainsi que Philippe Delorme, expert en e-santé, en télémédecine du CATEL, directeur honoraire du CHU de Rouen. Chacun s’est accordé à reconnaître qu’en matière de numérique appliqué à la santé la question de l’éthique gratte aux entournures. Il reste encore beaucoup à faire.
Développer une culture de la donnée
Yves Charpak a ainsi pointé du doigt les carences dans l’éthique de la pratique quotidienne des interactions entre les usagers de l’hôpital et les soignants. « Elle se limite à un rappel de la déontologie professionnelle », a-t-il regretté. Hubert Stéphan a constaté, de son côté, qu’une bonne partie des professionnels de santé méconnaissait la loi du 4 mars 2002, modifiée par celle du 26 janvier 2016, qui encadre l’utilisation des données de santé. Trop souvent encore, des professionnels de santé, pour des questions pratiques, utilisent leurs outils personnels non sécurisés pour transmettre des données. Pour Philippe Delorme, il est donc essentiel de développer une culture de la donnée, dans les facultés de médecine notamment. L’éthique s’apprend. Bien comprise, abordée de manière pluridisciplinaire, elle devient une boussole qui permet d’orienter et de prendre un arbitrage, a souligné Jérôme Béranger. Qu’en est-il des outils numériques eux mêmes ? Yves Charpak a plaidé pour une évaluation rapide en amont du bien-fondé d’un outil, avant même d’envisager la question de l’éthique. « Dans tous les cas, l’utilisation des outils numériques doit tendre vers un bénéfice pour la santé des patients », a-t-il assuré, avec – concernant l’usage des données produites – un préalable de taille : disposer des compétences pour les analyser, ce qui nécessite en amont des comités d’éthique et scientifiques pour obtenir et accéder aux données.
L’interopérabilité d’abord
La seconde plénière, vendredi 31 mars, était consacrée à l’organisation des parcours de santé des patients au sein des GHT ou des territoires de soins et l’impact sur les systèmes d’information, avec, autour de la table, les représentants de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP), de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) et de la Fédération hospitalière de France (FHF), tous parlant d’une même voix en faveur de l’interopérabilité des systèmes d’information. D’un commun accord, ils se sont prononcés pour une montée en charge progressive de la convergence des systèmes d’information, sur la base de ce qui existe déjà et fonctionne bien. Pour David Gruson, délégué général de la FHF, « dans un cadre de recomposition de l’hôpital public, il ne faut pas bunkériser les systèmes d’information. L’heure n’est plus à une solution centralisée, venue d’en haut. La voie souhaitable est celle d’une convergence adaptée à chaque territoire ». Bien qu’indirectement concerné par les GHT qui ne s’appliquent qu’au public, Jean-François Goglin, conseiller national Systèmes d’information de santé de la FEHAP, ne pense pas différemment. « Il est impossible d’envisager le parcours de soins sans intégrer les établissements médico-sociaux, a-t-il rappelé. Mutualiser, capitaliser, oui, mais pas sous forme de convergence. Un système d’information unique, c’est la fin de l’innovation. L’interopérabilité, bien conduite, est plus intelligente et moins onéreuse pour les établissements. » La boucle a été bouclée par Emmanuel Daydou, directeur de la prospective économique, médicale et juridique de la FHP. Bien qu’également exclue des GHT, l’hospitalisation privée est en effet tout aussi impliquée. « La coopération public-privé est indispensable, a-t-il souligné. Mais on ne peut demander aux acteurs, y compris aux industriels, de mettre en place des systèmes d’information à même de coopérer si la question de l’interopérabilité n’est pas la priorité. » Le SIB peut s’enorgueillir d’avoir réuni ces trois acteurs aux intérêts propres, et de les mener à… une convergence de vue.
Vues de l’extérieur
La troisième plénière, organisée également le vendredi 31 mars, ouvrait le champ aux pratiques de nos voisins dans le domaine de la coopération au service de la santé, notamment en matière de logique numérique. Aux côtés de David Gruson sont intervenus Hans Erik Henriksen, directeur général de Healthcare Danemark, et Nathalie Noël, directrice de cabinet adjointe du ministre de la Santé de la région de Bruxelles-Capitale. À chaque pays son système propre. Fait saillant chez nos voisins belges, les autorités bruxelloises ont mis en place un coffre-fort numérique alimenté et géré par les professionnels de santé eux-mêmes, en vue d’assurer la continuité de soins. À retenir côté danois : un portail national de données de santé, ouvert aux patients et aux professionnels de santé. Il est alimenté par le réseau national des données de santé MedCom créé en 1994 et comprenant des bilans sanguins, des lettres de sortie d’hôpital, etc. Un médecin de ville peut ainsi facilement savoir ce qu’un confrère hospitalier a prescrit à son patient. MedCom est géré et financé par le ministère de la Santé, les cinq régions danoises et l’association des municipalités. Dans les deux pays, il ressort une volonté politique forte de porter une vision intégrée du partage de données de santé, avec un projet territorialisé. Ce que n’a pas manqué de relever David Gruson, appréciant un niveau de décision infranationale, sur des unités territoriales à une échelle proche de celles des GHT en France. Comme quoi, certains décentrages peuvent être éclairants. Et c’est tout le sel de ces Journées du SIB que de donner à voir aux adhérents ce qui se passe ailleurs. Une projection qui en ouvre une autre, vers les prochaines Journées des adhérents du SIB. Rendez-vous en 2019 !
Pierre Derrouch
Des ateliers et démonstrations pour découvrir les solutions du SIB
Proposés avec le soutien de ses 25 partenaires industriels, une trentaine d’ateliers et de démonstrations flash ont permis aux participants de se familiariser non seulement avec les solutions proposées par le SIB et ses partenaires,mais aussi avec les innovations en matière de systèmes d’information.Cette année, une petite touche high-tech agrémentait l’accueil :le sourire de Pepper, le grand frère du robot compagnon Nao,diffusé par Robotopi.
« Les utilisateurs y font état de leur expérience et des bonnes pratiques dans leur établissement,avec de nombreux échanges » ,souligne Olivier Morice-Morand. La palme de l’atelier le plus fréquenté revient à « Sillage GHT en pratique : le parcours des patients au sein du GHT ». Il présentait les évolutions fonctionnelles de l’une des solutions phares du SIB, la plateforme d’intermédiation(e-Den) entre différents dossiers patients informatisés pour piloter les parcours de soins au sein des GHT. Autre belle réussite,l’atelier consacré à l’archivage numérique à valeur probatoire,avec une heureuse coïncidence,l’agrément de tiers-archivage accordé fin mars au SIB par le Service interministériel des archives de France